Il est mis en évidence par une étude de l’Institut bruxellois de statistiques : à Bruxelles, les naissances sont en chute libre. En 2023, près de 14 000 personnes ont été nées, soit 4600 de moins qu’en 2010, année où la région a enregistré le plus de naissances.
Comment le décrire? Y aurait-il moins de femmes en âge de donner naissance? Non, d’après l’étude, cela a un lien direct avec une diminution de la fécondité des femmes résidant à Bruxelles.
Il est important de ne pas confondre fertilité et fécondité ici. La fertilité est associée à l’aptitude physiologique à avoir des enfants, tandis que la fécondité correspond au nombre d’enfants auxquels une femme a eu droit.
À Bruxelles, on constate une augmentation de 16% de la population féminine en âge de procréer entre 2010 et 2024. Malgré une baisse annuelle du nombre de naissances depuis 2014. Ceci implique donc que les Bruxelloises âgées de faire des enfants ont de moins en moins d’enfants. Elles sont même nettement moins fertiles que les femmes de Flandre ou de Wallonie.
Au début des années 80, la courbe bruxelloise de fécondité était passée au-dessus de la moyenne nationale pour être observée dans le rétroviseur. Comme le montre le schéma ci-dessous, elle était très supérieure aux courbes belge, wallonne et flamande dans les années 2000.
Le record de fécondité à Bruxelles a été établi en 2007 avec 2,08. La diminution a commencé en 2007, avec une chute sous les niveaux des autres régions en 2021.
Le taux moyen d’enfants par femme est de 1,37 en 2023. Comme le met en avant l’étude :
Jamais la fécondité bruxelloise n’a été aussi basse
Note : Les auteurs ont utilisé l’indice conjoncturel de fécondité (ICF), un indicateur synthétique qui permet d’analyser des tendances globales. Il ne doit pas être confondu avec la descendance finale, qui est le nombre d’enfants qu’une femme aura en effet à la fin de sa vie de femme.
Comment expliquer cette diminution de la natalité? Plusieurs hypothèses sont avancées par les coauteurs de l’étude.
Le contexte n’est pas propice, que ce soit à Bruxelles ou ailleurs.
2008 marque un tournant majeur, tant à Bruxelles qu’ailleurs en Belgique et en Europe. N’oubliez pas que 2008 a été une année marquée par une crise économique mondiale. Cette situation a conduit à une diminution à la fois du désir d’enfants et du nombre d’enfants réellement eus.
Et depuis 2008, il est difficile d’affirmer que le contexte a beaucoup changé. Selon Isaline Wertz, coautrice, les époques sont incertaines, ce qui rend difficile de se projeter avec des enfants :
L’enchaînement de crises, qu’elles soient économiques, climatiques ou géopolitiques entraîne vraiment une espèce de remise en question du fait d’avoir des enfants et surtout peut-être du nombre d’enfants
Selon l’experte, les individus pourraient continuer à avoir l’idéal de fonder une famille de trois enfants. Cependant, en pratique, ils n’atteindront pas cet idéal car ils seront convaincus que ce n’est pas le moment opportun, que l’avenir est préoccupant et ils s’arrêteront là. Il n’a pas été examiné spécifiquement pour Bruxelles, mais il a été examiné dans divers contextes.
La non-parentalité, qu’elle soit volontaire ou subie, est en tout cas en hausse en Europe ces dernières décennies, précise l’étude, qui parle d’une « transformation plus profonde des comportements de fécondité ».
Ainsi, il n’est pas certain que le taux de fécondité revienne à l’avenir au seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme).
On a des enfants après (ou non)
À quel moment est-ce qu’on a son premier enfant? À Bruxelles, de plus en plus tard, comme en Belgique. En 2023, l’âge moyen des femmes bruxelloises à la maternité est de 32,3 ans.
Le coauteur Jean-Pierre Hermia souligne une autre tendance majeure depuis 2010 :
« La fécondité des jeunes mamans a diminué et par contre celle des mamans un peu plus âgées n’a pas spécialement augmenté. Donc il y a vraiment un changement : il y a beaucoup moins de mamans jeunes, c’est-à-dire dans la vingtaine, qui ont des enfants en région bruxelloise. »
Si les femmes de la vingtaine postposent leur projet de grossesse, n’y aura-t-il pas un rattrapage ultérieurement? Il est possible, affirme l’étude, mais il est difficile de prévoir.
Ce rattrapage, s’il se produit, n’est surtout pas certain de compenser entièrement la diminution de la fécondité observée aux âges jeunes et moyens. D’un côté, parce que la fertilité diminue avec l’âge, d’autre côté, parce qu’on constate une augmentation du choix de ne pas avoir d’enfants du tout (si l’on n’a pas de projet de grossesse, ce n’est pas nécessairement dans l’idée de le poster).