Les industries culturelles ne se limitent pas à transmettre des valeurs et des identités, mais elles jouent un rôle essentiel dans le développement local. Les entrepreneurs culturels sont confrontés à de multiples obstacles qui restreignent leur efficacité dans la création, la promotion et la diffusion de produits et services culturels. Dans cette contribution, nous envisageons de revenir sur certains d’entre eux, puis de suggérer des solutions.
Est-ce que la culture africaine est réellement prête à s’industrialiser entièrement?
Dès le départ et afin de prévenir toute asymétrie d’information dans notre analyse, il nous semble essentiel de faire quelques précisions préliminaires. On considère qu’il existe une industrie culturelle lorsqu’il y a production, reproduction, stockage ou diffusion de biens et de services culturels selon des critères industriels et commerciaux : c’est-à-dire une production en grande quantité et une stratégie économique prioritaire sur toute ambition de développement culturel. Toutefois, il est important de noter que c’est la présence du capital, de la mécanisation et de la division du travail, et non les intentions des auteurs, qui détermine si une production est industrielle ou non. De cette manière, l’industrialisation de la culture africaine, dont nous parlons, fait référence principalement à deux modes de distribution : la reproduction sur une copie personnalisée et la diffusion, sur des réseaux adaptés, d’une seule copie captée par des milliers de destinataires.
On dit souvent que la culture est le moteur ou le cœur du développement économique. Effectivement, le secteur de l’économie mondiale qui connaît la croissance la plus rapide est l’industrie culturelle et créative, qui représente environ 7 % du PIB mondial. Ce discours actuel concernant les secteurs culturels est très positif. Si certains n’y voient qu’une masse déstructurée et dispersée au sein de laquelle il semble difficile de se situer, d’autres y voient le trésor d’un énorme potentiel économique qui reste largement sous-exploité.
Ce dernier exemple fait référence à la situation de la culture en Afrique, qui n’est pas au centre du développement, mais plutôt au cœur du fleuve Léthé[1]. Il y a donc une panne et un dysfonctionnement du moteur de la culture en Afrique subsaharienne. Et a donc besoin de « réparations » afin de remplir pleinement son rôle de moteur de l’économie nationale. Chaque personne est d’accord sur l’importance, voire l’urgence, de renforcer et réguler le domaine des arts et de la culture pour qu’on puisse réellement parler d’industrialisation de la culture africaine.
Le soutien limité envers les entreprises culturelles.
Selon Moelle Kombi, le ministre camerounais des Arts et de la Culture, ces structures font face à des difficultés juridiques, de structure organique et fonctionnelle, ainsi qu’à des problèmes de financement. Il sera toujours impossible de continuer à soutenir les entrepreneurs culturels sans que les États mettent en place des réglementations, des lois et des taxes.
L’absence de cadres et d’experts qualifiés dans les domaines des industries culturelles et créatives est un problème.
Par exemple, dans le domaine du cinéma africain, la plupart des organisations professionnelles présentent des lacunes structurelles qui les empêchent d’être des interlocuteurs et des acteurs de proposition auprès des partenaires institutionnels.
Ainsi, ils ne collectent que les avis des individus et se retrouvent isolés lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. Selon Toussaint Tiendrebeogo, producteur burkinabè, les organisations professionnelles du secteur de la culture ne possèdent pas assez d’expertise pour formuler des propositions pertinentes et concrètes auprès des bailleurs de fonds et même des États. Il est impossible pour eux de mettre en œuvre des politiques sans être influencés par le milieu qu’ils doivent soutenir.
Effectivement, le fait que les entrepreneurs culturels manquent de formation et que les méthodes de gestion sont souvent informelles sont des obstacles techniques et culturels qui entravent la création de stratégies à moyen et long terme qui s’adaptent suffisamment aux logiques du marché local, sous-régional et international. Cette mission est aujourd’hui accomplie par l’Organisation Internationale de la Francophonie, qui utilise son opérateur direct pour le développement africain, l’Université Senghor d’Alexandrie. Son Département de la culture offre une formation en entrepreneuriat culturel, comprenant des domaines tels que la gestion du patrimoine culturel (GPC), la communication et les médias (CM) et la gestion des industries culturelles (GIC), afin de pallier le manque de cadres en Afrique.
Outre cette formation de professionnels du domaine culturel, il est également crucial de pouvoir accéder plus facilement au financement pour moderniser leurs équipements, développer de nouvelles méthodes de production et de distribution et ajuster leurs modèles commerciaux.