Nos établissements pénitentiaires sont saturés, avec des niveaux de surpopulation carcérale jamais vus auparavant. L’Arizona envisage plusieurs options pour résoudre ce problème. Il est envisagé de louer ou d’édifier des prisons à l’extérieur du pays afin d’y incarcérer les individus définitivement condamnés pour séjour illégal ou absence de droit de séjour. Le concept n’est pas inédit. Cela fait déjà 15 ans que la Belgique a commencé à louer des cellules chez nos voisins néerlandais. Cependant, cet épisode n’a pas laissé de bons souvenirs pour les acteurs sur le terrain.

Jamais les prisons belges n’ont compté autant de prisonniers. À la date du 14 janvier 2025, on comptait 13.400 prisonniers pour seulement 11.020 places disponibles. En termes pratiques, cela veut dire que des prisonniers sont obligés de passer la nuit sur un matelas directement posé au sol. Des conditions de réclusion inhumaines qui ont déjà été largement dénoncées.

Louer ou édifier à l’étranger
Ainsi, le nouveau gouvernement souhaite aborder cette question persistante de surpopulation. On peut trouver cette information dans le document rédigé par l’instructeur :

« Compte tenu de l’énorme pression qui pèse sur nos prisons et tant que la capacité carcérale nationale est insuffisante, nous essayons de conclure des accords, à l’instar du Danemark, avec d’autres États de droit européens pour y construire ou louer des prisons où les détenus en séjour illégal ayant été condamnés définitivement pour des crimes ou délits pourront purger tout ou partie de leur peine de prison si le transfèrement n’est pas possible ni souhaitable ». 

En mai 2024, le parlement danois a donné son accord pour la location de 300 cellules dans une prison au Kosovo. Le gouvernement britannique, lors de son mandat précédent, avait envisagé la location de cellules dans des établissements pénitentiaires en Estonie. Cependant, cette initiative semble avoir été abandonnée au regard de son coût exorbitant. Quant aux Pays-Bas, ils envisagent de transférer 500 prisonniers sans nationalité néerlandaise ou écroués pour de longues peines vers l’établissement pénitentiaire de Tartu situés dans le sud de l’Estonie.

Entre 2010 et 2016, la prison de Tilburg a été louée

En février 2010, les premiers prisonniers belges ont été transférés à la prison de Tilburg aux Pays-Bas. La prison de Tilburg, qui est affiliée à la prison de Wortel, est donc perçue comme un complément au parc pénitentiaire belge. À l’époque, le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, s’exprimait sur les marches de l’institution :

« C’est le droit belge qui est d’application ici avec un directeur belge et du personnel hollandais ». Et d’ajouter : « Le personnel hollandais a reçu une formation pour appliquer le droit belge ici au sein de la prison ».

Financement accordé : 300 millions d’euros. Dans cet établissement, jusqu’à 650 places ont été louées alors qu’il demeurait vide de ses détenus nationaux. Quant aux détenus belges, ils étaient généralement de leur plein gré et en fin de peine. À première vue, les prisonniers semblaient contents de l’amélioration de leurs conditions carcérales.

Cependant, les critiques n’ont pas tardé à affluer. À l’époque, Juliette Moreau, avocate et membre de l’Observatoire International des Prisons (OIP), était très impliquée dans le dossier. Elle se rappelle parfaitement les répercussions de cette délocalisation sur les prisonniers :

« Ça a désinséré complètement les personnes qui ont été mises à l’écart. Il n’y avait pas de politique de réinsertion possible. Pas de visite des familles non plus. Et pour que les détenus puissent venir à leurs audiences en Belgique, c’était une catastrophe totale. Outre la problématique des langues, évidemment. Et le coût aussi évidemment. Non seulement les Pays-Bas louaient cette prison assez chère, mais les transferts jusqu’en Belgique étaient eux aussi particulièrement coûteux ».

Est-il judicieux de résoudre le problème de la surpopulation en ajoutant davantage de places ?
Selon l’Observatoire International des Prisons, le gouvernement belge persiste dans une approche d’inflation carcérale.

« La Belgique ne fait qu’augmenter le nombre de places, c’est la seule réponse apportée à la surpopulation carcérale. Mais toutes les études le montrent, ça ne peut pas être la réponse unique. Il faut changer les politiques pénitentiaires et faire en sorte qu’il y ait de réelles possibilités d’alternatives et non pas le « tout à la prison » ou le « tout à la chaîne pénale », avance l’avocate Juliette Moreau.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi les prisons sont pleines actuellement : la mise en œuvre des peines de courte durée décidées par Vincent Van Quickenborne, l’obtention difficile d’une libération conditionnelle, le taux élevé de détention préventive et l’augmentation de la durée des peines prononcées par les juges. Juliette Moreau remarque :

« On est dans un cercle vicieux. Plus il y aura de surpopulation, moins il y aura la possibilité d’effectuer un vrai travail social et psychologique en prison et donc moins de possibilités d’obtenir une libération conditionnelle ».

L’OIP milite pour un changement de perspective et l’adoption des alternatives déjà disponibles :

« Il y a les peines de travail, la médiation, les transactions, l’arbitrage, mais aussi les groupes de discussions ». L’avocate prend l’exemple des groupes de discussions qui existent dans les dossiers de violences sexuelles : « Depuis le mouvement #MeToo, il y a des initiatives qui sont aussi positives pour la personne auteur que pour la victime. On voit que ces femmes sont beaucoup plus réparées et leurs besoins sont beaucoup plus rencontrés par des groupes de discussions entre auteurs et victimes ou entre auteurs et entre victimes chacun de son côté que par un tout à l’incarcération où les hommes vont être dans le déni et les femmes vont se sentir insécurisées pour le jour où ces hommes sortiront de prison ».

En Belgique, le taux de rechute post-incarcération est particulièrement haut. Le nouveau Code pénal, qui sera appliqué à partir d’avril 2026, l’a effectivement saisi. L’emprisonnement y est désormais considéré comme le dernier recours.