Actuellement, plus de 80 mineurs délinquants sont en liberté faute de places disponibles dans une IPPJ, un établissement public dédié à la protection de la jeunesse. Un nombre vérifié par la ministre en charge, Valérie Lescrenier. Comment justifier la saturation de ces IPPJ, dont la moitié est occupée par des résidents bruxellois ?

La Communauté française compte légèrement plus de 250 places au total. D’après Michel Meganck, juge de la jeunesse à Bruxelles, cela ne suffit plus aujourd’hui.

« Il n’y a pas assez de place pour que les décisions des juges puissent s’appliquer« . Alors pourquoi le problème est il particulièrement criant aujourd’hui à Bruxelles ? « Il y a des éléments qui nous échappent, évidemment. C’est-à-dire que ce n’est pas nous, les juges de la jeunesse, qui décidons qu’un jeune est mis à notre disposition. C’est ce qui se passe dans la rue, dans l’actualité. Ce sont les services de police qui interviennent, le parquet qui décide, le procureur du roi qui décide de nous mettre des jeunes à disposition. Et en fonction de ces mises à disposition, nous devons prendre des décisions. Il faut dire que depuis quelques semaines, voire mois, il y a beaucoup plus de mises à disposition, pour des raisons que je ne peux pas vous expliquer mais qui sont réelles, et des faits de délinquance qui sont relativement graves. Ce qui engendre la nécessité vraiment de prendre des décisions fortes, que ce soit des placements, mais que ce soit éventuellement des maintiens en famille, avec des accompagnements ».

Réflexe sécuritaire ?

Le Délégué général aux droits de l’enfant se demande, lui, si les juges bruxellois n’ont pas la main un peu trop lourde. « Aujourd’hui, 50% du public des IPPJ provient de Bruxelles, alors qu’à titre de comparaison, on a 8% qui vient de Liège où 10% qui vient de Charleroi. Donc, la manière dont les magistrats bruxellois, ou en tout cas certains magistrats bruxellois ont un réflexe peut être trop sécuritaire, est à questionner » explique Solaÿman Laqdim. « J’aimerais rappeler que l’enfermement en IPPJ doit être considéré comme la dernière possibilité pour un magistrat de la jeunesse. Or, aujourd’hui, lorsqu’on regarde l’arsenal juridique qui est à la disposition de ces magistrats, on se rend compte qu’il y a toute une série de réponses qui existent et qui sont sous utilisées« .

Venir dire qu’on encombre les IPPJ sans utiliser les autres mesures alternatives, c’est faux.

Une critique qui passe mal chez les juges de la jeunesse. « Venir dire qu’on encombre les IPPJ sans utiliser les autres mesures alternatives, c’est faux » s’insurge Michèle Meganck. « Il y a un moment pour tout. Chaque juge, en toute conscience, applique la loi, réfléchit d’abord à ce qu’il peut mettre en place en famille, si les circonstances le permettent. Et si un juge décide de placer un jeune en IPPJ, c’est qu’il y a des raisons pour le faire. Et comme n’importe quel juge, le juge de la jeunesse doit motiver ses décisions. Donc là, je ne peux pas être d’accord avec ses propos qui disent que nous avons un réflexe sécuritaire alors que nous défendons corps et âme un système protectionnel et éducatif« .

La magistrate souligne au passage que les options alternatives sont aussi déficientes en termes de volume pour satisfaire les exigences actuelles.

« Il faut savoir qu’à Bruxelles, pour avoir un accompagnement en famille, il faut plusieurs mois d’attente parfois. Les jeunes sont aujourd’hui 28 sur la liste d’attente à Bruxelles, rien qu’à Bruxelles. On a affaire à des adolescents qui sont interceptés dans des faits graves. Ce n’est pas un message correct à leur délivrer de dire je te libère et un jour, un peu plus tard, on appliquera une mesure. Un adolescent, plus encore que n’importe quel autre individu qui ne respecte pas la loi, doit pouvoir recevoir immédiatement une réponse pour les faits qu’il a commis. Et donc effectivement, les mesures alternatives sont bonnes mais insuffisantes en quantité. Tout comme les places en IPPJ ».