Devrait-on abolir la désignation des enseignants ? C’est la question sensible posée par le gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles (FWB) en plein cœur de l’été 2024. Valérie Glatiny (MR), ministre de l’éducation, souhaiterait substituer le statut permanent par un contrat à durée indéterminée (CDI).
Actuellement, 75% des 103.992 enseignants francophones en poste, tous réseaux et niveaux d’enseignement réunis (à l’exclusion du niveau universitaire), sont nommés. Nombre d’entre eux envisagent de déclencher une grève à compter du 7 avril prochain pour s’opposer à l’éventuelle suppression de leur statut. L’instauration de la nomination des professeurs, mise en place après la Seconde Guerre mondiale, vise à leur fournir une sécurité d’emploi renforcée, un meilleur salaire et une retraite améliorée, tout en préservant leur liberté de pensée. Effectivement, comme le précise Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC-Enseignement,
« si [le statut] a été instauré, c’est quelque part pour protéger les enseignants et les mettent à l’abri de tout ce qui pouvait être des règles arbitraires, non seulement au niveau de l’engagement, mais aussi tout au long de la carrière. […] Le statut a aussi permis plus de liberté au niveau de la vie privée. Je pense à certains pouvoirs organisateurs qui fermaient leurs portes, par exemple aux couples divorcés ou aux dames qui étaient mamans sans être mariées. Donc tout ça, ça appartient au passé », ajoute le syndicaliste qui défend la nomination.
L’obtention de cette protection et de ces bénéfices n’est pas facile. Pour être éligible à une nomination permanente, il est nécessaire d’avoir, d’une part, une ancienneté au sein de l’établissement qui gère l’école ; et d’autre part, que cet établissement ait un poste libre. Il arrive donc parfois qu’il faille attendre plusieurs années avant qu’un professeur débutant ne soit nommé définitivement.
Le gouvernement de la FWB se donne pour objectif de combattre cette instabilité. Ainsi, Valérie Glatigny, la ministre de l’éducation, a expliqué au micro de La Première en juillet dernier :
« Je crois qu’il y a une véritable demande du côté des jeunes enseignants de pouvoir avoir de la stabilité plutôt que d’enchaîner des contrats de trois mois, un an, deux mois, etc. Et puis peut-être que ce qui est préférable pour de jeunes enseignants, c’est une perspective de CDI plutôt qu’une nomination plusieurs années plus tard. Et donc c’est sur ça qu’on va travailler« .
Émeline De Belder subit les conséquences de cette précarité depuis qu’elle a débuté dans le métier, il y a cinq ans. Non titulaires, elle espère ardemment obtenir un jour un statut permanent.
La professeure de musique enseigne dans divers établissements où elle prend la place d’enseignants titulaires qui sont en mission temporaire ailleurs.
Le détachement est l’un des privilèges associés au statut : il offre la possibilité au titulaire de travailler pour une période déterminée dans une autre institution éducative ou administrative. Parmi les destinations les plus courantes figurent les Fédérations de Pouvoirs organisateurs (y compris leurs Cellules d’appui et d’accompagnement pédagogique), les Services du gouvernement de la FWB, ainsi que les Organisations d’Éducation permanente et de Jeunesse.
Durant son congé, le professeur nommé maintient sa position occupée par un professeur intérimaire, tel qu’Émeline De Belder.
« Le gros risque, c’est que si jamais un jour la personne décidait de revenir pour une raison ou une autre, la direction n’aura pas son mot à dire et moi non plus. Elle a sa place, c’est la sienne. Moi, j’ai juste qu’à prendre mes affaires et à partir. Donc on est un peu sur des sièges éjectables.«