Comme on le sait, l’administration De Wever cherche à obtenir près de 4 milliards d’euros cette année pour soutenir l’accroissement des dépenses dans le domaine de la Défense. Tout au long de la législature, il faudra dénicher 17,2 milliards d’euros.
L’accord gouvernemental prévoit la vente d’actifs appartenant à l’État afin de financer les initiatives de défense. En plus des actions que détient l’État belge dans des sociétés comme Belfius, BNP-Paribas Fortis ou Proximus, par exemple, la Belgique pourrait-elle envisager de vendre une portion de son or ? Au taux de l’or actuel, les 227 tonnes d’or possédées par la Banque Nationale de Belgique équivalent à légèrement plus de 20 milliards d’euros.
En ce qui concerne ce sujet, le Premier ministre a fait preuve de prudence il y a quelques jours.
« C’est vrai que le prix de l’or est au maximum, mais je ne vais pas me prononcer sur une solution concrète« , a-t-il répondu alors qu’il était interrogé sur l’opportunité de vendre une partie du stock d’or belge.
227 tonnes d’or actuellement, contre près de 1300 tonnes en 1989.
Selon le récent rapport de la Banque Nationale (BNB) publié en ligne, la Belgique détient encore 227 tonnes d’or. Dans notre pays, une quantité très restreinte de cet or est entreposée. Selon la BNB, une grande partie de cet or est gardée en Angleterre, dans les coffres de la Banque d’Angleterre. Une autre portion, jugée « moins importante », est conservée à la BRI, la Banque des règlements internationaux située à Bâle, en Suisse. Le surplus est conservé à la Banque du Canada.Par le passé, la Belgique possédait une quantité d’or beaucoup plus importante. Avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, elle en possédait près de 600 tonnes. C’est l’ombre de la seconde guerre mondiale qui a déclenché la décision de sécuriser cet or à l’étranger. Face à l’ascension d’Hitler, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, les responsables belges ont pris la décision d’expédier 200 tonnes de cet or en Angleterre pour des raisons de sécurité. Deux cents autres tonnes ont été envoyées vers les États-Unis et le Canada. Les 198 tonnes supplémentaires, initialement gardées en Belgique, ont finalement été remises à la France lorsque l’Allemagne est devenue davantage inquiétante. La France, qui était également sous la menace allemande, avait par la suite pour tâche de transférer l’or belge vers les États-Unis, mais elle ne réussit pas à le faire.
Suite à la guerre, la Belgique a repris le contrôle de l’intégralité de son stock. Ce qui était en Angleterre et de l’autre côté de l’Atlantique est resté là-bas. La France a dû restituer à la Belgique l’or qu’elle avait égaré, tandis qu’une portion de l’or belge qui était tombée aux mains allemandes a été retrouvée en 1945 dans une mine de sel en Allemagne et récupérée.
Par la suite, les réserves d’or belges ont continué à croître, atteignant près de 1300 tonnes à la fin des années 80.
1300 tonnes représentaient un vrai trésor, bien que leur rendement ait été plutôt faible. Alfons Verplaetse, alors gouverneur de la Banque Nationale, a opté pour une vente progressive de cet or, privilégiant l’investissement dans des monnaies plus lucratives. Ainsi, sur une période de dix ans, 1000 tonnes seront vendues. L’augmentation de valeur obtenue lors de cet événement sera particulièrement bénéfique pour le Premier ministre Jean-Luc Dehaene, qui a dirigé des gouvernements de 1992 à 1999. Effectivement, l’émergence de l’Euro était en vue au commencement de cette décennie. L’objectif était d’assainir les finances publiques afin de rejoindre le groupe des nations utilisant la monnaie unique.
Le gouvernement qui a suivi, dirigé par Verhofstadt, procédera également à la vente d’environ trente tonnes d’or en 2005, destinant les revenus de cette vente à la diminution de la dette belge. Ainsi, à l’heure actuelle, la réserve d’or belge s’élève à 227 tonnes.
Est-il possible de commercialiser tout ou en partie ces 227 tonnes ?
Auparavant, les banques centrales étaient obligées de maintenir des réserves d’or pour assurer la stabilité de leur monnaie nationale, mais cette obligation a changé au cours du XXe siècle. Depuis l’année 1976, ce n’est plus le cas. Il est suffisant de posséder des devises comme les dollars ou les francs suisses, par exemple, pour avoir des réserves de change.
En principe, la BNB pourrait vendre l’or qu’elle possède pour le substituer par des monnaies. Avec le prix actuel de l’or, la valeur des 227 tonnes d’or est approximativement de 20 milliards d’euros, comparé à 13,65 milliards en 2023.
Toutefois, il faut noter que la plus-value générée par une vente partielle de cet or ne viendrait pas directement alimenter les coffres du gouvernement.
« Les réserves de change qui figurent au bilan de la Banque nationale sont les réserves officielles de la Belgique, que la Banque nationale détient et gère pour le compte de l’économie belge. La Banque nationale en est propriétaire mais elle ne peut pas en disposer librement« , précise la Banque sur son site.
Ces réserves doivent être utilisées pour l’accomplissement des missions de la Banque en termes de politique monétaire et de politique de change. Depuis que la Belgique a rejoint l’Euro, toutes les décisions sont prises à Frankfort, au sein de la Banque Centrale Européenne (BCE). La principale tâche de la BCE, et donc des banques nationales sous son égide, est de contrôler l’inflation, plutôt que de dégager des ressources budgétaires supplémentaires pour un gouvernement.
Dans tous les scénarios, c’est la Banque Nationale qui prendrait la décision de procéder à une vente d’or, étant donné son statut d’entité indépendante. Cependant, elle devrait le faire en collaboration avec la Banque Centrale Européenne afin de maintenir l’équilibre monétaire européen et éviter toute déstabilisation.
« On n’a plus notre monnaie nationale, on a une monnaie européenne dans une union monétaire. Si on dilapide complètement nos réserves, la Banque centrale européenne ne va pas être super contente« , résume Bertrand Candelon, Professeur de finance internationale à l’UCLouvain.
Selon des spécialistes, il n’est pas évident que l’affectation des plus-values générées par la Banque nationale au budget de l’État soit réalisable. Possiblement, l’allocation de ces fonds à la diminution de la dette publique pourrait être une option que l’Europe envisagerait d’accepter. C’est en effet ce que le gouvernement Verhofstadt avait mis en œuvre. Dans ce contexte, une réduction du déficit de l’État belge pourrait offrir au gouvernement la possibilité de dégager des marges pour contracter des emprunts nécessaires au financement de ses dépenses militaires.
Ce qui est indéniable, c’est qu’en comparaison de la fin des années 80, lorsque la Belgique envisageait de céder 1000 tonnes d’or, le cadre monétaire européen actuel impose des règles différentes.