Les 22 victimes de féminicides de l’année 2024 ont été honorées par le collectif Collages féministes Bruxelles. Une initiative reprise par Les Grenades.
Le 15 décembre, dans le quartier des Marolles. Une dizaine de colleureuses s’étaient réunies. Des seaux de colle, des brosses sont dans leurs mains. Dans leur sac à dos, ils ont préparé les affiches. Ce soir, l’objectif des militant·es est de ressusciter la mémoire des 22 victimes de féminicides de cette année 2024.
Diana, Sylwia, Marijke M., Hagos T., Souad, Sabine H., Typhaine, Veronique W., Françoise D., Hélène G., Eman A.-S. sont leurs noms.Mélissa A., Hasmik B., Lydia G., Godelieve A., Mária G., Chantal B., Christiane, Laurence D., Ingrid C., Marie-Anne B. et Stephanie D.
Ces femmes ont été assassinées en raison de leur sexe. Les affiches ont été confectionnées par les membres du collectif Collages féministes Bruxelles, qui ont repris les lettres peintes de leurs noms et les chiffres de leurs dates de meurtre. Le décompte de la plateforme Stop féminicide est basé sur les articles de presse publiés pour obtenir ces données.
« Nous avons aussi contacté Transfembelgium pour vérifier s’il y avait également des personnes trans parmi les victimes, mais aucune n’aurait été recensée. Cependant, on sait que certaines victimes échappent aux décomptes, donc nous avons décidé d’ajouter le slogan ‘Femmage à touxtes nos adelphes inconnu·es & nos adelphes trans ignoré·es’ » explique Justine.
Cette nuit, il y a une grande tension. Chaque personne se souvient du dernier rassemblement annuel de femmes lors de la manifestation contre les violences envers les femmes en 2023. Plusieurs collègues avaient été appréhendées en raison de « délits contre l’ordre public ».
En dépit d’une certaine appréhension, les militant·es se préparent à se rassembler en contrebas du Palais de Justice. Pour certaines, c’est une expérience inédite. Tous se soutiennent mutuellement, les rôles sont assignés et répartis. Les noms des 22 victimes se détachent feuille par feuille sur ce mur symbolique. En une demi-heure, l’ensemble des affiches est installé.
Devant leur agressivité, les militant·es se tiennent droit·es et restent silencieuses pendant de longues minutes. Dans la nuit bruxelloise froide, devant les noms des victimes, de nombreuses personnes se serrent dans les bras. L’émotion est ressentie. « Cette action est puissante et indispensable », s’exclame Fanny en repliant ses affaires, évoquant le fait de consacrer du temps à l’affichage du nom de toutes ces femmes dans l’espace public.
Après le collage, alors que le groupe est déjà à cent mètres du Palais de Justice et se dirige vers d’autres endroits, une camionnette de police arrive. Après l’avoir aperçu, les militant·es se divisent. Trois d’entre elles se précipitent vers une rue étroite. Le fourgon de la police les suit.
Les militants sont arrêtés par les autorités, leur identité est vérifiée, leur matériel de collage est confisqué, puis libérés trente minutes plus tard. Selon le Règlement général de police, même si les actions des colleureuses sont non-violentes, l’affichage non autorisé est interdit.
Les militant·es sont conscient·es des règles et sont susceptibles de subir des sanctions administratives communales (SAC) pour les membres des différents groupes, qui agissent à travers le pays. « Mais quoi qu’il arrive, nous n’arrêterons pas de coller. À nous la rue !« , commente Manon.