Dans Prosper, Jean-Pascal Zadi joue le rôle d’un conducteur Uber dont l’existence change radicalement lorsqu’une paire de chaussures ensorcelées le métamorphose en un gangster mythique. Yohann Gloaguen rend un vibrant hommage à la sapologie et au cinéma afro-français, en mêlant thriller et comédie mystique. Un film audacieux où le style se transforme en acte de rébellion.

Dans un Paris vibrant de nuit, où les ombres jouent sous les lumières vives et où chaque recoin semble narrer une histoire, Prosper, le dernier long-métrage de Yohann Gloaguen, se prépare à faire sensation. Avec une performance captivante de Jean-Pascal Zadi, ce thriller imprégné d’humour et de mystère s’aventure sur un territoire rarement foulé au cinéma : celui de la sapologie. Prosper rend hommage de manière passionnée à l’esthétique, au charme et au patrimoine africain. C’est une exploration stylistique d’une culture où la mode se transforme en outil, en identité et en déclaration.

Dès les premières scènes, le film nous plonge dans le monde de Prosper, un conducteur Uber d’origine ivoirienne qui s’efforce de joindre les deux bouts. Un tournant inattendu survient dans sa vie lorsque un passager énigmatique décède à l’intérieur de sa voiture, lui léguant un héritage aussi risqué qu’insolite : une paire de souliers haut de gamme. Cependant, ces chaussures ne sont pas de simples objets – elles incarnent l’esprit d’un gangster mythique, connu sous le nom de King, animé par un désir de revanche. Dès qu’il chausse ces bottes, Prosper cesse d’être lui-même. Il est désormais animé d’une nouvelle vigueur, d’une nouvelle attitude et d’un destin qui ne lui est plus entièrement propre.

Cette métamorphose, à la fois mystique et comique, semble étrangement en phase avec l’essence intrinsèque.

Avec Prosper, Yohann Gloaguen intègre le cinéma dans une culture qui va au-delà de la simple extravagance en matière de mode. La sapologie, cette doctrine qui a vu le jour dans les rues de Brazzaville et Kinshasa, est présentée ici sous un nouveau jour.

Initialement, la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes (SAPE) représente bien plus qu’une simple tendance vestimentaire. Il s’agit d’une déclaration identitaire, d’une assertion esthétique en réponse aux stigmates coloniaux. Quand les colonisateurs imposaient des uniformes aux travailleurs africains, les premiers sapeurs ont réagi en adoptant des vêtements européens de manière radicalement flamboyante. Costumes trois pièces, chemises vives, souliers vernis – chaque élément est une affirmation de liberté, de défi et d’élégance.

Dans Prosper, cet héritage acquiert une dimension fortement cinématographique. King, ce gangster légendaire et charismatique, représente cette image du dandy africain qui attire le respect tant par son charisme que par la coupe parfaite de son costume. Lorsque Prosper est envahi par son esprit, il hérite malgré lui de cet héritage : celui du pouvoir à travers l’apparence, de la noblesse par les habits et du combat par le style.

Prosper est un film qui s’appuie sur la dynamique singulière de son protagoniste, Jean-Pascal Zadi. Suite à sa consécration aux César 2021 pour Tout simplement noir, Zadi fait son retour avec une performance qui navigue entre le comique maladroit et l’intensité dramatique. Prosper est une personne ordinaire immergée dans un univers où les normes lui sont étrangères, où chaque tenue raconte une histoire qu’il n’a pas encore compris.

Par son biais, le film interroge la notion d’identité et de mobilité sociale : que signifie véritablement « bien s’habiller » dans un univers qui porte un jugement à première vue ? Tout comme la sapologie, Prosper se débat avec ces codes, naviguant entre l’art du paraître et l’impératif social. Parce que si le vêtement change, il peut également confiner.

Paris ne sert pas uniquement de toile de fond dans Prosper. La ville se transforme en un personnage à part entière. Réalisée par Thomas Brémond, elle se revêt de teintes à la fois sombres et électrisantes, saisissant l’essence même de la sapologie : une clarté dans l’obscurité, un éclat singulier dans un univers qui aspire à la standardisation.

C’est dans les ruelles de Belleville, les zones vivantes de Château Rouge et les salons cossus des clubs exclusifs que se déroule le jeu de Prosper réinventé, déchiré entre la loi du crime organisé et celle des sapeurs. Dans cette confrontation entre raffinement et brutalité, la mode se transforme en un outil d’expression, et chaque habit représente une déclaration.