Le bleu est omniprésent sur le plateau blanc de la Chapelle du Verbe. Les danseuses sont vêtues de vestes bleues sur des combinaisons futuristes argentées, elles portent chacune un régime de bananes sur la tête, les deux chaises pliantes sont bleues, le liquide des deux bouteilles est bleu et est posé par terre au milieu des bananes (bleues) dispersées, et le néon traverse ces accessoires. Lors de ce Festival d’Avignon 2024, les chorégraphes, danseuses et interprètes Marlène Myrtil (Compagnie Kaméléonite) et Myriam Soulanges (Compagnie Myriam Soulanges – Back art diffusion), originaires de Martinique et de Guadeloupe, empruntent à l’esthétique afrofuturiste pour aborder le scandale sanitaire et environnemental de la pollution au chlordécone (ou Képone). 10 ans après le Principe de précaution, leur premier travail chorégraphique sur le sujet est toujours à l’étude par les autorités publiques et les autorités environnementales.
Le Tropique du Képone s’inspire des conseils artistiques de Michael Roch, un penseur de l’afrofuturisme caribéen qu’il différencie d’« un afrofuturisme nord-américain ou d’un futurisme africain continental » car il est « en lien avec le mouvement du monde, avec toutes les cultures qui composent le lieu caribéen et par conséquent la mondialité ».L’auteur de Té Mawon (La Volte, 2022), membre de la Fabrique décoloniale, semble avoir trouvé avec Tropique du Képone une très belle illustration de son concept de contre-dystopie : sous le système de ce qui est ou semble être une dystopie contraignante, « les individus subalternes peuvent par un jeu de lutte et de résistance atteindre ou du moins se mettre sur le chemin de leurs idéaux, de leur idée du bonheur.
« Elles se considèrent comme contre-dystopiques car elles se soumettent de manière autonome à l’équation léthale qui leur est imposée. »Après leur séjour à Avignon, Africultures les a retrouvées afin de revenir sur ce qui est probablement la création la plus originale des Théâtres d’Outre-Mer en Avignon cette année.
Louisa Yousfi quitte Kateb Yacine afin de se rendre chez Aimé Césaire. Le barbare en tant que fierté. Il s’agit d’une approche ancienne telle que l’oppression : le retournement du stigmate. L’insulte est attrapée, elle est retournée et elle est contrainte de dire le contraire. Il semble que cela soit simple ainsi, mais la méthode est dangereuse. Cela nécessite un certain talent. De nombreux peuples alchimistes ont réussi à accomplir le miracle : faire de la souillure une fierté, de l’infamie une noblesse. S’il existait une devise pour la stratégie, elle serait : « oui, et alors? » C’est également une formule magique. Barbare, bien sûr, et alors? Malgré l’évidence, ce « oui » ne confirme rien. Il passe un bon moment. Il éclate de rire tel un enfant insolent qui sait comment faire rire.