Pour la nouvelle initiative prise dans l’art contemporain à Bruxelles, le Rendez-vous rassemble une cinquantaine de galeries, émergentes comme confirmées, et autant d’expositions à découvrir. Fondée par Laure Decock et Evelyn Simons, l’édition inaugurale de ce parcours met en exergue la dynamique créative de la ville, à travers un regard rafraîchissant

 

 

Mike Bourscheid chez Nosbaum Reding

L’univers narratif que déploie Mike Bourscheid (né en 1984) se saisit autant des contes féériques que des histoires d’horreur. Sur les murs de la galerie Nosbaum Reding, l’artiste originaire du Luxembourg déploie une série de créatures mythologiques qui empruntent au médiéval et au fantastique : ces néo-sirènes en bois dialoguent avec des écus dont les motifs confondent attributs sexuels et figures animalières. Au sol, Bourscheid pointe la vulnérabilité humaine avec un costume diaphane, désincarné, où un nid d’oiseau se substitue à la tête ; là encore, il s’inspire du chasseur dans le conte de Blanche-Neige, en créant ces vêtements à partir d’un patron trouvé dans un vieux magazine. La présence de ce personnage désarmé — contraire à la description qu’on lui connaît dans le récit littéraire —, résonne avec l’atmosphère au sous-sol de l’espace : ici, une agglomération de maisonnettes en vitrail, habitées de végétaux, et entourées d’un mur de château fort, rappelle les codes de fiction animée. Nosbaum Reding — Rue de la Concorde 60A, 1050 Ixelles —

 

John Fou chez Stems

En prenant pour titre l’inscription d’une célèbre mosaïque découverte à Pompéi en 1824, “Cave Canem” — qui se traduit du latin en “Attention aux chiens” —, John Fou (né en 1983) soutient une peinture qui avertit autant qu’elle attire. Ses figures, êtres croisés entre l’humain et l’animal, semblent combattre mais fusionner, se repousser par des armes mais s’entrelacer comme des amants. Ainsi cette ambiguïté habite-t-elle les œuvres de l’artiste français qui fait de ses créatures des entités complexes, tourmentées. Dans une zone déterminée par de grands rideaux noirs, la galerie Stems offre au regardeur une expérience de lecture complémentaire : un ensemble de toiles y est perceptible par la seule lueur de chandelles qui les éclairent. “Cet espace plongé dans le noir tient rôle de chapiteau. Cela fait écho à mon passé de danseur et de circassien. Quand je n’étais pas en tournée pour des spectacles, je prenais mes pinceaux et j’allais peindre sur les stores de magasins. J’ai commencé comme ça : en représentant des corps qui dansent.”, indique l’artiste.

Lisa Vlaemminck chez Rodolphe Janssen

L’œuvre de Lisa Vlaemminck (née en 1992) s’étouffe volontairement dans un capharnaüm de signes, d’objets, de couleurs. Tenant pourtant bien de la figuration, chacune de ses toiles se nourrit d’imbroglios qui superposent une iconographie commune — une paire de ciseaux, un flacon de vernis à ongles, un rétroviseur, des cigarettes — à une vivacité chromatique qui l’absorbe. Ses peintures, classiquement rectangulaires ou révisées par des bords courbes, traduisent des points de vue multiples qui s’établissent dans des milieux marins, terrestres ou cosmiques. Relevant de la fiction ou de la science-fiction, la pluralité de ces environnements adopte le POV, cette perspective individuelle utilisée dans les jeux vidéo, enrôlant le regardeur en tireur d’élite ou lui attribuant la vision d’un micro-organisme. Les vignettes narratives de l‘artiste belge intègrent aussi une représentation du corps qui contribue à cette “autre” dimension : des bustes humains flottent, percés de chaînes, des doigts et des nez isolés ponctuent les images ;

 

LABINAC chez Martins&Montero

“What we always did” (“Ce que nous avons toujours fait”) titre l’exposition du duo LABINAC réunissant Jimmie Durham et Maria Thereza Alves. Par cette expression, les artistes transposent l’espace de Martins&Montero en un environnement domestique où pièces de design et œuvres se conjuguent pour établir une aire aux accents surréalistes. Luminaires, sièges, tables, papier peint : les codes de l’habitat sont repris par le duo et les artistes représentés par la galerie bruxelloise. À l’image de la sculpture de la Brésilienne Ana Mazzei (née en 1979), étrange pied supportant un parallélépipède peint, l’atmosphère déployée convoque autant la fantaisie que la familiarité. L’exposition se lit autant qu’elle se vit, avec une mise en lumière de la matérialité qui rapproche l’objet de l’œuvre. Galerie Martins&Montero — Rue aux Laines 14, 1000 Bruxelles —

Jess Allen chez Nino Mier

La peinture de Jess Allen (née en 1966) se concentre dans une atmosphère domestique, familière, où chaque détail est en lui-même autonome. Dans le corpus d’œuvres que l’artiste britannique présente à la galerie Nino Mier, aucun corps physique n’est représenté. Ses scènes d’intérieur sont investies par du mobilier, en particulier des assises évoquant la fonctionnalité quotidienne mais ici dépourvues de tout usage : coussins, coins de canapés, détails de fauteuils deviennent alors les réels sujets de ces toiles qui délaissent l’apparition de tout personnage. Par les plissés textiles, on devine toutefois l’action qui précède ou qui se joue en dehors de la toile : c’est la trace du corps qui est saisie et Jess Allen accentue cette absence par des cadrages étroits, intimes. La palette chromatique qu’elle emploie renforce l’existence de ce mobilier devenu alors lui-même support d’une image où se dessinent les ombres de silhouettes

Nú Barreto chez Nathalie Obadia

À partir d’un répertoire plastique composé de signes et de personnages récurrents, Nú Barreto (né en 1966) signe un ensemble de collages qui dressent une vision cartographique du monde. Cette notion de territoire s’exprime chez l’artiste originaire de Guinée-Bissau par un croisement de surfaces imparfaites, puisées dans des matériaux bruts et récupérés — cartons, papiers, emballages, prospectus — qui délimitent ces frontières imaginaires. Par le dessin et l’aquarelle, Nú Barreto ajoute à ses plans une multitude de détails qui relèvent du désordre de la société contemporaine. Le renversement du pouvoir est illustré par des couronnes inversées, surplombant la tête de personnages primaires ; des fragments d’écriture, arithmétiques ou littéraires, côtoient des figures humaines, animales, végétales. Un chaos graphique qui transcende les limites de l’œuvre standard par le relief et le hors-cadre. Galerie Nathalie Obadia — 8, rue Charles Decoster, 1050 Ixelles —