Un communiqué de presse de la zone de police Bruxelles capitale Ixelles n’avait pas suscité une attention particulière au milieu de l’automne dernier. Parmi les résultats obtenus dans « la lutte contre le trafic de drogue », la police locale mentionnait notamment la découverte à Anderlecht du « premier laboratoire de drogue démantelé dans notre pays avec de la procaïne ».

Il semble aujourd’hui que la découverte faite par les policiers bruxellois le dimanche 22 septembre montre que des groupes criminels en Belgique et aux Pays-Bas sont de plus en plus à l’aise. S’il n’y a eu qu’un seul laboratoire de procaïne démantelé en Belgique, les autorités néerlandaises ont dénombré au moins 15 installations de ce genre pour 2024, contre une l’année précédente.

La procaïne est une substance analgésique, autrefois employée en dentisterie pour effectuer des anesthésies locales afin de réduire l’inconfort du patient pendant une intervention. Désormais moins apprécié par les dentistes qui l’ont substitué à des composés plus efficaces, le médicament est utilisé comme produit de coupe par les narcotrafiquants. L’ajout de matériaux moins chers à la cocaïne pure permet aux criminels d’augmenter artificiellement les quantités disponibles à la vente et de maximiser ainsi leurs bénéfices.

L’utilisation industrielle de procaïne pour la coupe de la cocaïne

Selon le communiqué de la police, un lot de 100 kilogrammes de procaïne a été découvert dans l’appartement d’Anderlecht perquisitionné fin l’année dernière. D’après les données supplémentaires collectées par la RTBF, il est possible de conclure que le produit a été importé de Chine. On a également trouvé des solvants et du matériel de séchage. Par contre, il n’y a pas de traces de cocaïne sur le site. En d’autres termes, à l’époque de son démantèlement, le laboratoire secret n’avait été utilisé que pour la procaïne. Il est fort probable que la coupe de la drogue soit effectuée au dernier moment ou se déroule dans un autre endroit.

Dans des laboratoires clandestins, la procaïne est transformée pour donner au médicament l’aspect de la drogue. Les pains de cocaïne importés d’Amérique du Sud présentent une apparence éclatante que l’ajout de produits de coupe peut altérer. À l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC), Nathalie Meert, chef du centre d’expertise forensique en matière de drogues, explique que les trafiquants contournent aujourd’hui ce problème en modifiant du sel de procaïne. Le sel est une substance chimique produite par réaction d’un acide avec une base. Les criminels reconvertissent le sel de procaïne en base. Selon la scientifique, il est ensuite recristallisé, ce qui confère à la procaïne un aspect brillant similaire à celui de la cocaïne.

Connexions belges-néerlandaises

Suite à la saisie effectuée en Belgique en septembre, trois individus ont été placés en détention provisoire. Selon la RTBF, plusieurs personnes arrêtées avaient déjà passé par les Pays-Bas. Cette information soutient la thèse d’une approche mise en place par des groupes qui agissent de part et d’autre de la frontière. Les groupes criminels qui importent et vendent de la cocaïne en Europe sont fréquemment présents dans les deux pays dont les ports maritimes sont des hubs pour la drogue provenant d’Amérique du Sud.

Aux Pays-Bas, on a recensé 15 laboratoires entre janvier et octobre (données les plus récentes disponibles), la plupart dans la partie méridionale du pays. Plusieurs centaines de kilos de procaïne étaient produites par semaine sur certains sites. Des individus suspects ont été appréhendés lors des opérations policières, dont des citoyens colombiens. Selon Freek Pecht, un policier néerlandais spécialisé dans le démantèlement de laboratoires clandestins, la procaïne serait utilisée comme produit de coupe en Colombie depuis deux ans.

Des transports de procaïne pour 2500 kilos ont également été interceptés par les autorités près d’Amsterdam, pour un montant estimé à un demi-million d’euros. La marchandise était importée de Chine par l’aéroport de Schiphol.