Togo : Mathilde-Amivi Petitjean, la reine des neiges aux Jeux olympiques de PyeongChang en Corée du Sud
Pour la deuxième fois de sa carrière, la skieuse Mathilde-Amivi Petitjean, presque 24 ans, représentera son pays natal, le Togo, aux JO. Bien décidée à montrer qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration.
En entrant dans le stade olympique de PyeongChang, le 9 février prochain, pour la cérémonie d’ouverture des XXIIIe Jeux olympiques d’hiver, les immenses délégations européennes et nord-américaines défileront aux côtés d’athlètes aux parcours plus atypiques. Parmi eux, Mathilde-Amivi Petitjean, qui portera les couleurs du Togo. Déjà engagée dans la compétition en 2014, à Sotchi, elle participera de nouveau à deux épreuves de ski de fond quelques jours avant de fêter son 24e anniversaire. Une nouvelle étape dans le parcours d’une sportive ambitieuse, qui dit ne pas venir en Corée du Sud « juste pour participer ».
Si c’est à Kpalimé, au Togo, qu’elle a vu le jour, Mathilde-Amivi Petitjean a grandi dans les montagnes de Haute-Savoie. Arrivée en France à l’âge de 3 ans, elle commence le ski quatre années plus tard, au sein du club de La Roche-sur-Foron. Elle suit alors le parcours classique des jeunes espoirs de la discipline : comité régional, sport-études au lycée et compétitions nationales.
« ne voulais surtout pas que l’on me prenne pour une Rasta Rockett »
Paul Minary, qui l’a entraînée durant son adolescence, se souvient d’une skieuse qui « possédait de réelles qualités » pour se distinguer au plus haut niveau. « Elle faisait preuve d’une finesse dans sa façon de skier que d’autres n’avaient pas, mais elle était aussi capable d’une grande vitesse et témoignait d’un sens de la tactique de course. »
JO de Sotchi
Alors qu’elle a deux ans d’expérience en équipe de France junior, le Togo lui propose de représenter le pays de sa mère en compétition. « Je n’ai pas tout de suite accepté, se souvient-elle. Je trouvais ça un peu fou. J’ai vraiment pris le temps de réfléchir avec mes parents. Et puis je ne voulais surtout pas que l’on me prenne pour une Rasta Rockett [du nom d’une comédie relatant l’aventure de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh aux JO de Calgary]. » Après quelques relances, elle franchit le pas. « C’était aussi une façon de renouer avec mes racines africaines. Le ski, c’est ma façon de m’exprimer, et je voulais le faire pour le Togo. »
« Certaines personnes me voyaient comme la fille qui arrivait directement d’Afrique, qui ne savait même pas faire de ski et qui n’avait jamais vu la neige ».
Intégrée en 2013 à la Fédération togolaise des sports de glisse et de ski, elle n’a pas eu à attendre longtemps pour porter les couleurs nationales. En février 2014, à 19 ans seulement, elle participe à ses premiers JO, en Russie. « Quand j’ai signé pour le Togo, j’avais juste envie de concourir pour eux, se remémore-t-elle. Au fur et à mesure de la saison, je me suis rendu compte que je pouvais aller aux JO. J’avais envie de gravir les échelons petit à petit, mais tout est allé très vite. »
Burn out
De ces Jeux, elle garde un souvenir contrasté. Émerveillée par la cérémonie d’ouverture, elle n’a pas oublié sa course, « très dure », et les nombreuses sollicitations médiatiques. « Certaines personnes me voyaient comme la fille qui arrivait directement d’Afrique, qui ne savait même pas faire de ski et qui n’avait jamais vu la neige. Il a fallu leur expliquer que je pratiquais depuis l’âge de 7 ans ! »
Toute cette attention finit par lui donner le vertige : « Je n’étais pas du tout prête, résume-t-elle. Je n’étais personne et suis tout à coup devenue la représentante du Togo. J’ai été un peu submergée. » Suit « un burn out » qui la laisse sonnée. « Il m’a fallu un an pour me remettre. J’avais l’impression que l’on ne me parlait que de ça. Je n’étais plus que la fille qui a représenté le Togo aux JO. »
Mathilde-Amivi Petitjean passe entre 600 et 650 heures à se préparer pour les compétitions qui l’attendent.
C’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’elle finit par rebondir, en s’établissant au Canada. Désormais domiciliée au Mont-Saint-Anne, près de Québec, elle s’est adaptée à de nouvelles méthodes d’entraînement pour continuer sa progression. « Cela m’a donné un coup de boost. » « Elle stagnait un peu, ajoute son nouvel entraîneur, Charles Castonguay. Elle progresse bien depuis qu’elle est arrivée au Canada. Je crois beaucoup en son potentiel en sprint, elle peut réaliser de bons résultats sur la scène internationale. »
Chaque année, Mathilde-Amivi Petitjean passe entre 600 et 650 heures à se préparer pour les compétitions qui l’attendent. La Fédération canadienne de ski l’accompagne dans sa démarche, en l’aidant à préparer son matériel, tout comme le Comité international olympique (CIO), qui lui octroie une bourse.
Présence du Togo aux JO d’hiver
Et l’Afrique dans tout ça ? Exilée au Canada, elle n’a que peu de temps pour visiter son pays natal. Au Togo, où elle a séjourné plusieurs fois depuis son enfance, vivent ses grands-parents maternels et « tout un tas d’oncles, de tantes et de cousins ». Et puis il y a cette culture à laquelle elle demeure très attachée. « Ma mère nous parle toujours la langue du pays et l’on mange des plats de là-bas à la maison, affirme-t-elle. Je me sens aussi togolaise que française. »
Elle a toutefois conscience que, malgré ses exploits sur la neige, peu de Togolais se reconnaissent en elle. « Les gens de la diaspora me connaissent mais, au Togo, c’est difficile. Il n’y a pas de neige là-bas : comment pourraient-ils s’identifier à moi ? » « Les performances de Mathilde intéressent les Togolais, insiste tout de même Hyacinthe Edorh, le vice-président de la Fédération togolaise de ski. C’est très important pour le Togo de se présenter aux JO d’hiver. Nous sommes au XXIe siècle, et il y a encore des sports qui sont pratiqués en Europe, en Amérique et en Asie, mais pas en Afrique subsaharienne. C’est l’occasion de montrer aux autres pays tropicaux que tout est possible.
66e lors des derniers Jeux, Mathilde vise désormais plus haut. Elle rêve de décrocher une place en phase finale, c’est-à-dire parmi les trente premières, lors de l’épreuve de sprint classique qui se déroulera le 13 février. « Je ne suis pas là pour faire de la figuration », répète-t-elle.
Les autres sportifs du continent présents
En plus de Mathilde-Amivi Petitjean, plusieurs sportifs du continent seront présents en Corée du Sud pour représenter des pays africains. Si l’on ne connaît pas encore la liste définitive des athlètes qualifiés, certains ont déjà validé leur ticket. C’est le cas de l’Italo-Togolaise Alessia Afi-Dipol, qui sera engagée sur les épreuves de ski alpin, tout comme Mialitiana Clerc, qui représentera Madagascar, ou Sabrina Wanjiku Simader, qui portera les couleurs du Kenya. Le Marocain Samir Azzimani, qui avait concouru en 2010 à Vancouver en ski alpin, s’alignera cette fois pour le ski de fond. Il faudra aussi surveiller l’épreuve de bobsleigh à deux, pour laquelle les Nigérianes se sont qualifiées pour la première fois de leur histoire.
Par Hugo Richermoz
http://www.jeuneafrique.com
Photo: Wikipédia
En entrant dans le stade olympique de PyeongChang, le 9 février prochain, pour la cérémonie d’ouverture des XXIIIe Jeux olympiques d’hiver, les immenses délégations européennes et nord-américaines défileront aux côtés d’athlètes aux parcours plus atypiques. Parmi eux, Mathilde-Amivi Petitjean, qui portera les couleurs du Togo. Déjà engagée dans la compétition en 2014, à Sotchi, elle participera de nouveau à deux épreuves de ski de fond quelques jours avant de fêter son 24e anniversaire. Une nouvelle étape dans le parcours d’une sportive ambitieuse, qui dit ne pas venir en Corée du Sud « juste pour participer ».
Si c’est à Kpalimé, au Togo, qu’elle a vu le jour, Mathilde-Amivi Petitjean a grandi dans les montagnes de Haute-Savoie. Arrivée en France à l’âge de 3 ans, elle commence le ski quatre années plus tard, au sein du club de La Roche-sur-Foron. Elle suit alors le parcours classique des jeunes espoirs de la discipline : comité régional, sport-études au lycée et compétitions nationales.
« ne voulais surtout pas que l’on me prenne pour une Rasta Rockett »
Paul Minary, qui l’a entraînée durant son adolescence, se souvient d’une skieuse qui « possédait de réelles qualités » pour se distinguer au plus haut niveau. « Elle faisait preuve d’une finesse dans sa façon de skier que d’autres n’avaient pas, mais elle était aussi capable d’une grande vitesse et témoignait d’un sens de la tactique de course. »
JO de Sotchi
Alors qu’elle a deux ans d’expérience en équipe de France junior, le Togo lui propose de représenter le pays de sa mère en compétition. « Je n’ai pas tout de suite accepté, se souvient-elle. Je trouvais ça un peu fou. J’ai vraiment pris le temps de réfléchir avec mes parents. Et puis je ne voulais surtout pas que l’on me prenne pour une Rasta Rockett [du nom d’une comédie relatant l’aventure de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh aux JO de Calgary]. » Après quelques relances, elle franchit le pas. « C’était aussi une façon de renouer avec mes racines africaines. Le ski, c’est ma façon de m’exprimer, et je voulais le faire pour le Togo. »
« Certaines personnes me voyaient comme la fille qui arrivait directement d’Afrique, qui ne savait même pas faire de ski et qui n’avait jamais vu la neige ».
Intégrée en 2013 à la Fédération togolaise des sports de glisse et de ski, elle n’a pas eu à attendre longtemps pour porter les couleurs nationales. En février 2014, à 19 ans seulement, elle participe à ses premiers JO, en Russie. « Quand j’ai signé pour le Togo, j’avais juste envie de concourir pour eux, se remémore-t-elle. Au fur et à mesure de la saison, je me suis rendu compte que je pouvais aller aux JO. J’avais envie de gravir les échelons petit à petit, mais tout est allé très vite. »
Burn out
De ces Jeux, elle garde un souvenir contrasté. Émerveillée par la cérémonie d’ouverture, elle n’a pas oublié sa course, « très dure », et les nombreuses sollicitations médiatiques. « Certaines personnes me voyaient comme la fille qui arrivait directement d’Afrique, qui ne savait même pas faire de ski et qui n’avait jamais vu la neige. Il a fallu leur expliquer que je pratiquais depuis l’âge de 7 ans ! »
Toute cette attention finit par lui donner le vertige : « Je n’étais pas du tout prête, résume-t-elle. Je n’étais personne et suis tout à coup devenue la représentante du Togo. J’ai été un peu submergée. » Suit « un burn out » qui la laisse sonnée. « Il m’a fallu un an pour me remettre. J’avais l’impression que l’on ne me parlait que de ça. Je n’étais plus que la fille qui a représenté le Togo aux JO. »
Mathilde-Amivi Petitjean passe entre 600 et 650 heures à se préparer pour les compétitions qui l’attendent.
C’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’elle finit par rebondir, en s’établissant au Canada. Désormais domiciliée au Mont-Saint-Anne, près de Québec, elle s’est adaptée à de nouvelles méthodes d’entraînement pour continuer sa progression. « Cela m’a donné un coup de boost. » « Elle stagnait un peu, ajoute son nouvel entraîneur, Charles Castonguay. Elle progresse bien depuis qu’elle est arrivée au Canada. Je crois beaucoup en son potentiel en sprint, elle peut réaliser de bons résultats sur la scène internationale. »
Chaque année, Mathilde-Amivi Petitjean passe entre 600 et 650 heures à se préparer pour les compétitions qui l’attendent. La Fédération canadienne de ski l’accompagne dans sa démarche, en l’aidant à préparer son matériel, tout comme le Comité international olympique (CIO), qui lui octroie une bourse.
Présence du Togo aux JO d’hiver
Et l’Afrique dans tout ça ? Exilée au Canada, elle n’a que peu de temps pour visiter son pays natal. Au Togo, où elle a séjourné plusieurs fois depuis son enfance, vivent ses grands-parents maternels et « tout un tas d’oncles, de tantes et de cousins ». Et puis il y a cette culture à laquelle elle demeure très attachée. « Ma mère nous parle toujours la langue du pays et l’on mange des plats de là-bas à la maison, affirme-t-elle. Je me sens aussi togolaise que française. »
Elle a toutefois conscience que, malgré ses exploits sur la neige, peu de Togolais se reconnaissent en elle. « Les gens de la diaspora me connaissent mais, au Togo, c’est difficile. Il n’y a pas de neige là-bas : comment pourraient-ils s’identifier à moi ? » « Les performances de Mathilde intéressent les Togolais, insiste tout de même Hyacinthe Edorh, le vice-président de la Fédération togolaise de ski. C’est très important pour le Togo de se présenter aux JO d’hiver. Nous sommes au XXIe siècle, et il y a encore des sports qui sont pratiqués en Europe, en Amérique et en Asie, mais pas en Afrique subsaharienne. C’est l’occasion de montrer aux autres pays tropicaux que tout est possible.
66e lors des derniers Jeux, Mathilde vise désormais plus haut. Elle rêve de décrocher une place en phase finale, c’est-à-dire parmi les trente premières, lors de l’épreuve de sprint classique qui se déroulera le 13 février. « Je ne suis pas là pour faire de la figuration », répète-t-elle.
Les autres sportifs du continent présents
En plus de Mathilde-Amivi Petitjean, plusieurs sportifs du continent seront présents en Corée du Sud pour représenter des pays africains. Si l’on ne connaît pas encore la liste définitive des athlètes qualifiés, certains ont déjà validé leur ticket. C’est le cas de l’Italo-Togolaise Alessia Afi-Dipol, qui sera engagée sur les épreuves de ski alpin, tout comme Mialitiana Clerc, qui représentera Madagascar, ou Sabrina Wanjiku Simader, qui portera les couleurs du Kenya. Le Marocain Samir Azzimani, qui avait concouru en 2010 à Vancouver en ski alpin, s’alignera cette fois pour le ski de fond. Il faudra aussi surveiller l’épreuve de bobsleigh à deux, pour laquelle les Nigérianes se sont qualifiées pour la première fois de leur histoire.
Par Hugo Richermoz
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Photo: Wikipédia
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